Les « Marieurs de Couleurs », Les « Pêcheurs de Vagues » de Lesconil

« Elle pense que c’est le vent qui a été son Marieur »

Jean Giono, Regain

En Bretagne, dans le pays bigouden, surtout à la campagne,  il y avait des personnes spécialisées pour organiser des rencontres entre garçons et filles en vue de faciliter et d’arranger des mariages.  C’était le temps des « korritages ».

Ces  « marieurs » étaient ni plus ni moins que des entremetteurs qui passaient voir les parents pour définir les biens dans chaque famille en vue de définir la dot. Les futurs époux n’avaient pas grand-chose à dire car ils étaient mis devant le fait accompli.

Dans ce récit, il ne s’agit pas de ces « marieurs » dont il est question mais des couleurs que mélangent les peintres pour composer leurs toiles.

C’est ainsi que Michel king a défini les peintres de Lesconil  dans la préface du récit suivant:

«  Dans les années 1960…c’était le temps ou un groupe d’individus, marieurs de couleurs, dont nous faisions partie, Marcel Depré et moi-même, exploitait les beautés de cette portion de la côte.. »

Depuis ma tendre enfance, ma jeunesse à Lesconil et plus tard tout au long de ma carrière, j’ai eu l’occasion de côtoyer des peintres de la Marine.

Les premiers furent Michel King et Marcel Depré qui venaient tous les été en location dans la grande maison de mon grand père et bien sur le populaire Amiral Max Douguet qui avait son pied à terre dans le sémaphore, sur les dunes près du rocher du Goudoul.

Plus tard, j’ai eu l’occasion de connaitre d’autres peintres dont Serge Marko et Philipp Plisson membres des « POM » ainsi que Robert Gaillard qui est venu s’installer à une encablure de la maison familiale.

Les  Peintres Officiels de la Marine, les « POM ».

La « Royale » avait recours à des peintres pour décorer les vaisseaux et frégates , mais aussi pour peindre les combats entre les navires des puissances maritimes.

C’est en 1830 que nait le premier corps des peintre de la Marine. Les premiers peintres furent Luis Philippe Crépin et Théodore Godin.

En 1920, ils obtiennent le statut officiel avec un uniforme et une assimilation d’officier de marine. Leur nombre est variable mais il se situe entre trente et cinquante. Ils sont nommés pour une durée de cinq années.

Le critère de nomination est le suivant : « artiste ayant consacré son temps à peindre la mer, la marine et les gens de mer ».

En 1924, si leur nombre est limité à vingt et la nomination pour une durée de trois années, il s’élargit aux sculpteurs et aux photographes.

Les plus connus d’entre eux au cours du 20 ième et 21 ième siècle sont les suivants :

  • 1921, Mathurin Méheut
  • 1935, Marin Marie
  • 1944, Luc Marie Bayle
  • 1959, Léon Gambier
  • 1960, Max Douguet
  • 1973, Michel King
  • 1973, Marcel Depré
  • 1975, François Bellec
  • 1979, Jean le Merdy
  • 1983, Serge Marko
  • 1991, Philipp Plisson
  • 2003, Titouan lamazou
  • 2005, Yann Arhus Bertrand
  • 2015, Jacques Perrin

Bien sur, cette liste est loin d’être exhaustive.

Parmi ces peintres, certains d’entre eux, ont posé leur chevalet et leur « boite à couleurs » à Lesconil ou dans le pays Bigouden.

Mathurin Méheut

Né à Lamballe 21 mai 1882, décédé le 22 février 1958.

Mathurin Méheut est devenu célèbre grâce à dessins ses aquarelles  stylisées des marins bretons et des poilus de la « grande guerre »

Marin Marie, pseudonyme de Paul Emmanuel Durand Couppel de St-Front

Né le 10 décembre 1901 à Foujerolles et décédé le 11 juin 1987 à St- Hillaire-du-Harcouët

Peintre des grands voiliers et des navires transatlantiques.

François Bellec

Né à Brest le 24 novembre 1934

Officier de Marine, Contre-Amiral

Parcours atypique , il est écrivain et historien de la Marine ainsi que peintre Officiel depuis 1975.

Jean le Merdy

Né le 10 octobre 1928 à Concarneau

Décédé le 21 février 2015à Concarneau

Il fut enseignant à l’école des Beaux-arts de Quimper

Concarneau fut son inspiration principale pour ses toiles, mais il posa aussi son chevalet dans le pays bigouden à Lesconil.

Max Henri Jacques Douguet

Bien que natif de Port-Launais le 16 juillet 1903, l’amiral Douguet fut bien connu des lesconilois car il avait son pied à terre au sémaphore sur les dunes à Lesconil qu’il louait à la marine.

Je me souviens de l’avoir vu, sur la terrasse en fer à cheval, le regard tourné vers le large  comme un commandant de navire sur la passerelle de son bateau.

Il est décédé le 1989 à Brest.

Il fut le commandant du «  Commandant Charcot » navire polaire de Paul Émile Victor.

Maire de Port-Launay durant de nombreuses années.

Luc Marie Bayle

Né le 30 janvier 1914 à Malo-les-bains.

Décédé le 11 octobre 2000 à Houlbec-Cocherel.

Officier de marine, Peintre illustrateur de nombreux ouvrages.

Directeur du Musée de la marine de 1972 à 1980.

Michel King, le « roi » des peintres

Michel King est né le 2 juillet 1930 à Sotteville-les-Rouen .

Il est nommé Peintre Officiel de la Marine ( POM) en 1973.

Il est vice-président des Peintres Officiels de la Marine.

Michel King et Marcel Depré étaient pendant de nombreuses années locataires durant les périodes estivales de la maison de mon grand-père idéalement située dans l’anse de Langogen, à quelques mètre de l’eau sur le port de Lesconil.

Le « roi » des peintres de Lesconil était une figure célèbre du port de Lesconil. Il était reconnaissable entre tous les peintres avec sa vareuse de coton rouge de pêcheur décolorée et son bob blanc.

Michel King a eu la gentillesse de préfacer mon récit «  anguille sous roche » et de me transmettre des photos de ses œuvres.

Impressionné, sur le port, par la peinture de « l’homme à la vareuse de marin décolorée »,  Guy Désert, autre artiste peintre talentueux de Lesconil avait réalisé cette toile en 1976 et l’avait baptisée « Hommage à Michel King ».

Marcel Depré

Marcel Depré est né le 11 aout 1919 à Rochefort

Il est décédé le 9 octobre 1990 à Pont-L’abbé

Il fut nommé Peintre Officiel de la Marine en 1973

Marcel Depré a été pendant de nombreuses années durant l’été locataire de la maison de mon grand-père idéalement située dans l’anse de Langogen, à quelques mètre de l’eau sur le port de Lesconil.

Serge Marko

Né le 5 décembre 1926 à Paris

Décédé le 4 septembre 2014

Un grand « bonhomme » qui fut nommé Président des Peintres Officiels de la Marine.

J’ai fait la connaissance de Serge Marko  sur le croiseur Colbert lors de la dernière mission du croiseur en Méditerranée avec une escale à Venise.

Serge Marko aimait, son travail de peintre terminé, se mélanger avec les officiers au carré du Colbert. Il était toujours souriant et de bonne humeur.

Serge Marko a eu l’amabilité de préfacer mon récit  » Anguille sous roche »

Philippe Plisson

Né le 17 janvier 1947 à Orléans.

Il ne peint pas, mais il mets tout son talent de photographe à saisir la mer dans tous ses états.

Il se définit comme « chasseur d’images ».

Je compléterai cette définition en « chasseurs d’images de vagues et de tempêtes ».

Lors de la dernière mission du Colbert en Méditerranée avec escale à Venise, Philip Plisson embarqua sur le croiseur avec Serge Marko,le président du POM.

 Titouan Lamazou

Né le 11 juillet 1955 à Casablanca

Navigateur Célèbre pour ses portraits, ses carnets de voyages et ses illustrations d’ouvrages.

Yann Arthus Bertrand

Né le 13 mars 1946 à paris

Photographe reporter, il aime mettre la terre, et les océans, non pas en bouteille, mais sur vidéo.

Jacques Perrin Simonet

Né le 13 juillet 1941 à Casablanca au Maroc

Jacques Perrin entretien un lien particulier avec la Marine. Il a été nommé Capitaine de Frégate dans la réserve citoyenne en 2012.

Jacques Perrin est le premier homme du monde du cinéma à faire son entrée dans le corps des POM.

Jacques Perrin a participé en tant que comédien à de nombreux films  sur des sujets militaires comme « la 317ème Section » (1965), «  Le Crabe-Tambour » (1977), « l’honneur d’un capitaine », « la haut un roi au-dessus des nuages » (2004) réalisés par son ami Pierre Schoendoerffer.

Jacques Perrin se voit récompensé, pour le film «  Océan » réalisé en partie sur la frégate de lutte anti-sous-marine  Latouche-Tréville en pleine tempête.

Bien sur, cette liste est loin d’être exhaustive, il serait beaucoup trop fastidieux de tous les citer si je veux respecter le fil de ce récit « Les Marieurs de couleurs de Lesconil ».

Les « POM » ne furent pas les seuls peintres à avoir voulu immortaliser les particularités de ce coin de la côte bigoudène, même si les chalutiers ne sont plus là pour figurer sur  la toile.

A Lesconil, les chevalets des peintres fleurissent toujours au printemps pour s’épanouir en été et même en automne. Des peintres venant de tous les horizons,  certains peu connus, anonymes et autodidactes marient les couleurs avec dextérité ou naïveté dans la plus grande application.

Le plus ancien peintre qui a fréquenté Lesconil dans les années 1950, n’était pas un français, mais un japonais.

Léonard Tsugouharu Foujita

Né le 27 novembre 1886 à Tokyo

Décédé le 29 janvier 1968 à Zurich

Aristocrate japonais, il arrive en France en 1913 pour améliorer sa formation d’artiste peintre.

En 1950, il parcours la Bretagne et charmé par le petit port de Lesconil, il installe son chevalet pour réaliser ses aquarelles aux couleurs douces et vaporeuses comme de la soie.

En 1959, il se converti au catholicisme et il prend pour prénom Léonard. Il avait sans doute une grande admiration pour un grand peintre du passé, Léonard de Vinci.

Il obtient également la nationalité française en 1955.

Guy Désert

Guy Désert né le 12 décembre 1923 à Tinchebray
Décédé le 8 février 2004 à Flers de l’Orne.

Guy Désert n’était pas un inconnu à Lesconil.

Tous les étés, depuis les années 1960 jusqu’en 1998, Guy Désert à de nombreuses fois posé ses valises et son chevalet de couleurs dans l’anse de Langogen et sur le port de Lesconil.

Il était tellement inspiré par l’atmosphère des lieux, la mer et les bateaux de pêche qu’il en oubliait parfois de déjeuner.

Son fils patrice à bien voulu me transmettre les photos de ses œuvres ainsi que ses photos personnelles.

 Il dit en parlant de son père : « A Lesconil, il éprouvait une véritable boulimie de peinture tant il y avait, pour lui, de sujets. il perdait la notion du temps et il fallait, souvent, lui apporter de quoi se sustenter car il « oubliait » de manger ! »

Guy Désert avait le talent et la passion de la mer et des bateaux et des gens de mer pour être admis dans le cercle restreint des « POM » dont le critère de nomination est le suivant : « artiste ayant consacré son temps à peindre la mer, la marine et les gens de mer ».

D’autres peintres moins connus mais talentueux ont également ont posé leur chevalet et marié leurs couleurs sur le port de Lesconil, tel que :

Robert Humblot

Né le 13 mai 1907 à Fontenay –Sous-Bois

Décédé le 14 mars 19662 à Noisy-sur-Ecole

Michel Sementzeff

Né en 1933 à Boulogne sur mer

Pierre Plouhinec

Né en 1907, décédé en 1984

Thierry Méheut

Robert Paillard

Robert Paillard est venu s’installer à Lesconil dans l’annexe de l’Hôtel de la Plage dans les années 1980. Jusqu’à son décès, il a peint et exposé ses toiles chez lui sur le port.

Le chalutier la  « Maryse Françoise » au mouillage dans le port de Lesconil.

Comme pour les peintres de la marine, la liste des peintres qui ont posé leur chevalet sur le port de Lesconil n’est pas exhaustive non plus.

Il y également les inconnus et les anonymes qui marient leurs couleurs avec passion et plus ou moins de talent.

Ci dessous deux tableaux de l’ancien abri du canot de sauvetage de Lesconil.

Retour des chalutiers au port de Lesconil

Langogen et ci dessous Le Ster, peintures de peintres inconnus

Le Ster Nibilic, peinture de Jean rigaud

Lesconil a attiré les peintres comme un aimant, et cela perdure de nos jours.

Durant la saison hivernale, les « Marieurs de Couleurs » ont disparus, mais des amateurs d’une autre espèce, sont postés aux quatre coins du port. On croirait des chasseurs à l’affut avec le télé-objectif en guise de fusil.

Il s’agit des « Pêcheurs de Vagues » de Lesconil

Les photographes comme Philip Plisson et ceux des nombreux médias sont attirés par les images  spectaculaires des vagues qui viennent se fracasser sur la grande digue protégeant le port.

Les tempêtes se suivent comme un chapelet qu’on déroule.

S’il y a autant de tempêtes que de boules dans un chapelet, c’est loin d’être terminé, pourvu que ce ne soit pas autant que dans un chapelet musulman..

Dans le  chapelet des chrétiens, il y a cinq séries de 10 boules, tandis que dans un chapelet de prière musulman  il y en a soit 33 ou  99 pour le .Sabha ou Masbaha.

Elles défilent les unes après les autres après avoir traversé l’océan Atlantique pour venir s’écraser sur les côtes bretonnes.

Dénommées par des prénoms de  la lettre A à W on n’a pas fini d’en voir passer.

La série des tempêtes sur nos côtes a démarrée le 23 décembre 2019 avec « Dirk », elle s’est poursuivie depuis le début de l’année 2020 avec cinq tempêtes successives :

  • Hervé le 3 février
  • Ciara le 5 février
  • Dennis le 11 février
  • Ines le 12 Février
  • Jorge le 27 févier 2020

D’autres épisodes tempétueux sont susceptibles de s’abattre encore  sur nos côtes.

Dernièrement en janvier 2021,  la tempête Justine a permis au photographe Mathieu Rivrin de réaliser une photo qui a fait le tour du monde. « Neptune (Poséidon) en colère ».

Si les tempêtes font la joie des surfeurs et des « pêcheurs de vagues » derrière leurs appareils  photographiques, il n’en ai pas de même pour les pêcheurs « cloués » à quai  dans les ports.

« La tempête n’est belle que pour ceux qui n’ont pas à  l’affronter »  JCQ

Je remercie Serge Marko, Michel king et Patrice Désert pour les photos des peintures qu’ils ont bien voulu me transmettre et qui mettent en valeur ce récit des « marieurs de couleurs de Lesconil ».